"And besides, I am fond of habits and rites..."
"Si au moins elle avait pu fermer les yeux."
"Ce dénuement-ci, c'est qu'elle basculait
du souvenir dans le présent, c'est aussi que ce qui n'avait de réalité
que dans un cercle fermé, dans un univers clos, allait soudain contaminer
tous les hasards et toutes les habitudes de sa vie quotidienne, et sur
elle, et en elle, ne plus se contenter de signes..mais exiger un accomplissement."
"et qu'elle se mit à espérer le fouet comme
une délivrance, la douleur et les cris comme une justification. Mais les
mains de Sir Stephen ouvrirent son ventre, forcèrent ses reins, la quittèrent,
la reprirent, la caressèrent jusqu'à ce qu'elle gémît, humiliée de gémir,
et de défaite."
"Et si humiliée qu'elle fût, ou plutôt parce
qu'elle était humiliée, n'y avait-il pas aussi la douceur de n'avoir de
prix que par son humiliation même, que par sa docilité à se courber, par
son obéissance à s'ouvrir ?"
"Il saisit le regard d'O, qui rougit : c'étaient
bien ces mêmes mains, dures et insistantes, qui s'étaient emparées de
son corps, et que maintenant elle redoutait, et espérait."
"Elle eut le sentiment qu'il voulait l'insulter,
par son dédain, par son silence, par ce qu'il y avait de détachement dans
son attention. Pourtant il la désirait tout à l'heure, maintenant encore
il la désirait,...Que ne la prenait-il, fût-ce pour la blesser ! O se
détesta de son propre désir, et détesta Sir Stephen pour l'empire qu'il
avait sur lui-même. Elle voulait qu'il l'aimât, voilà la vérité : qu'il
fut impatient de toucher ses lèvres et de pénétrer son corps, qu'il la
saccageât au besoin, mais qu'il ne pût devant elle garder son calme et
maîtriser son plaisir."
"...ses yeux se fermer sur les larmes."
"Mais, en Sir Stephen, elle devinait une
volonté ferme et glacée, que le désir ne ferait pas fléchir, et devant
laquelle jusqu'ici elle ne comptait, si émouvante et si soumise qu'elle
fût, pour absolument rien. Autrement pourquoi aurait-elle éprouvé tant
de peur ?"
"Elle ne pouvait que se taire, et baisser
les yeux, son regard seul dans les yeux de Sir Stephen aurait été un aveu."
"Mais sa main retomba, et elle balbutia
: "Je ne peux pas." Et en effet elle ne pouvait pas...Le regard de Sir
Stephen insistait. Elle ne put le soutenir et, répétant : "je ne peux
pas", ferma les yeux."
""Mettez-vous à genoux pour m'écouter, dit-il...Vous
confondez l'amour et l'obéissance. Vous m'obéirez sans m'aimer, et sans
que je vous aime." Alors elle se sentit soulevée de la révolte la plus
étrange, niant en silence à l'intérieur d'elle-même les paroles qu'elle
entendait, niant ses promesses de soumission et d'esclavage, niant son
propre consentement, son propre désir, sa nudité, sa sueur, ses jambes
tremblantes, le cerne de ses yeux. Elle se débattit en serrant les dents
de rage quand l'ayant fait se courber, prosternée, les coudes à terre
et tête en ses bras, et la soulevant aux hanches, il força...Elle criait
de révolte autant que de douleur, et il ne s'y trompait pas. Elle savait
aussi, ce qui faisait que de toute façon elle était vaincue, qu'il était
content de la contraindre à crier."
"Il lui rappela...mais il lui paraissait
peu probable qu'elle sût, en toute connaissance de cause, à quoi elle
s'était engagée. Lorsqu'elle l'aurait compris, il serait trop tard pour
qu'elle échappât." "O l'écoutant se disait que peut-être il serait également
trop tard, si longue elle serait à réduire, pour qu'il ne fût pas enfin
épris de son ouvrage, et ne l'aimât pas un peu. Car toute sa résistance
intérieure, et le timide refus qu'elle osait manifester n'avait que cette
seule raison d'être : elle voulait exister pour Sir Stephen, si peu que
ce fût...,et qu'il eût pour elle plus que du désir."
"à sacrifier d'elle au besoin ce que Sir
Stephen en exigerait"
"Jusque-là, il était clair que Sir Stephen
serait son maître, et,...son seul maître, dans le rapport exact qui lie
le maître à l'esclave." "Elle n'en attendait aucune pitié, mais ne pouvait-elle
lui arracher quelque amour ?"
Extraits de la même scène où pour la première
fois, elle se retrouve seule avec Sir Stephen, seule et nue, seule et
révoltée.
Histoire d' O © P. Réage 1954. Editions Le livre de poche.
|