Histoire d' O © P. Réage 1954.
"And besides, I am fond of habits and rites..."
 
"Si au moins elle avait pu fermer les yeux."
 
"Ce dénuement-ci, c'est qu'elle basculait du souvenir dans le présent, c'est aussi que ce qui n'avait de réalité que dans un cercle fermé, dans un univers clos, allait soudain contaminer tous les hasards et toutes les habitudes de sa vie quotidienne, et sur elle, et en elle, ne plus se contenter de signes..mais exiger un accomplissement."
 
"et qu'elle se mit à espérer le fouet comme une délivrance, la douleur et les cris comme une justification. Mais les mains de Sir Stephen ouvrirent son ventre, forcèrent ses reins, la quittèrent, la reprirent, la caressèrent jusqu'à ce qu'elle gémît, humiliée de gémir, et de défaite."
 
"Et si humiliée qu'elle fût, ou plutôt parce qu'elle était humiliée, n'y avait-il pas aussi la douceur de n'avoir de prix que par son humiliation même, que par sa docilité à se courber, par son obéissance à s'ouvrir ?"
 
"Il saisit le regard d'O, qui rougit : c'étaient bien ces mêmes mains, dures et insistantes, qui s'étaient emparées de son corps, et que maintenant elle redoutait, et espérait."
 
"Elle eut le sentiment qu'il voulait l'insulter, par son dédain, par son silence, par ce qu'il y avait de détachement dans son attention. Pourtant il la désirait tout à l'heure, maintenant encore il la désirait,...Que ne la prenait-il, fût-ce pour la blesser ! O se détesta de son propre désir, et détesta Sir Stephen pour l'empire qu'il avait sur lui-même. Elle voulait qu'il l'aimât, voilà la vérité : qu'il fut impatient de toucher ses lèvres et de pénétrer son corps, qu'il la saccageât au besoin, mais qu'il ne pût devant elle garder son calme et maîtriser son plaisir."
 
"...ses yeux se fermer sur les larmes."
 
"Mais, en Sir Stephen, elle devinait une volonté ferme et glacée, que le désir ne ferait pas fléchir, et devant laquelle jusqu'ici elle ne comptait, si émouvante et si soumise qu'elle fût, pour absolument rien. Autrement pourquoi aurait-elle éprouvé tant de peur ?"
 
"Elle ne pouvait que se taire, et baisser les yeux, son regard seul dans les yeux de Sir Stephen aurait été un aveu."
 
"Mais sa main retomba, et elle balbutia : "Je ne peux pas." Et en effet elle ne pouvait pas...Le regard de Sir Stephen insistait. Elle ne put le soutenir et, répétant : "je ne peux pas", ferma les yeux."
 
""Mettez-vous à genoux pour m'écouter, dit-il...Vous confondez l'amour et l'obéissance. Vous m'obéirez sans m'aimer, et sans que je vous aime." Alors elle se sentit soulevée de la révolte la plus étrange, niant en silence à l'intérieur d'elle-même les paroles qu'elle entendait, niant ses promesses de soumission et d'esclavage, niant son propre consentement, son propre désir, sa nudité, sa sueur, ses jambes tremblantes, le cerne de ses yeux. Elle se débattit en serrant les dents de rage quand l'ayant fait se courber, prosternée, les coudes à terre et tête en ses bras, et la soulevant aux hanches, il força...Elle criait de révolte autant que de douleur, et il ne s'y trompait pas. Elle savait aussi, ce qui faisait que de toute façon elle était vaincue, qu'il était content de la contraindre à crier."
 
"Il lui rappela...mais il lui paraissait peu probable qu'elle sût, en toute connaissance de cause, à quoi elle s'était engagée. Lorsqu'elle l'aurait compris, il serait trop tard pour qu'elle échappât." "O l'écoutant se disait que peut-être il serait également trop tard, si longue elle serait à réduire, pour qu'il ne fût pas enfin épris de son ouvrage, et ne l'aimât pas un peu. Car toute sa résistance intérieure, et le timide refus qu'elle osait manifester n'avait que cette seule raison d'être : elle voulait exister pour Sir Stephen, si peu que ce fût...,et qu'il eût pour elle plus que du désir."
 
"à sacrifier d'elle au besoin ce que Sir Stephen en exigerait"
 
"Jusque-là, il était clair que Sir Stephen serait son maître, et,...son seul maître, dans le rapport exact qui lie le maître à l'esclave." "Elle n'en attendait aucune pitié, mais ne pouvait-elle lui arracher quelque amour ?"
 
 
 
Extraits de la même scène où pour la première fois, elle se retrouve seule avec Sir Stephen, seule et nue, seule et révoltée.
 
Histoire d' O © P. Réage 1954. Editions Le livre de poche.